Inextricablement lié au fonctionnement relationnel, le besoin d’amour est un besoin vital chez l’être humain, quel que soit son âge. Je ne crois pas aux théories qui considèrent le besoin d’amour comme un besoin de dépendance. L’amour constitue la nourriture psychique la plus importante chez l’être humain. Tenter de se convaincre rationnellement qu’on peut vivre sans être aimé et sans aimer, c’est tout simplement renforcer, par la rationalisation, son système défensif et masquer ainsi la souffrance que suscite le manque d’amour. La dépendance ne vient pas du besoin d’aimer et d’être aimé, qui est un besoin naturel, mais de l’attitude irresponsable qui met l’autre à la source de ses manques d’amour : on est dépendant quand on attribue aux autres la cause de nos problèmes. La dépendance est le pouvoir que l’on donne aux autres sur notre vie. Trouver les moyens de satisfaire ses besoins vitaux et fondamentaux d’amour équivaut précisément à se dégager de ses dépendances. L’être dont le besoin naturel d’amour est comblé est beaucoup plus libre et indépendant que celui qui est à la recherche de la satisfaction de ce besoin.
L’homme qui mange à sa faim n’est pas obsédé par le manque de nourriture. Parce que son besoin physiologique est comblé, il peut s’en dégager et se livrer à d’autres activités. L’enfant qui manque d’amour est un enfant très dépendant qui s’accroche et qui accapare toute notre attention. Quand son besoin d’amour est comblé, il peut très bien se détacher de nous pour quelque temps et se trouver d’autres occupations sans se sentir abandonné. L’amour, c’est la clé de la motivation, c’est ce qui donne envie de vivre, de créer, de se propulser et de propulser les autres.
Évelyne, que j’ai reçue en consultation, me disait un jour à peu près en ces mots : « Tu ne peux pas savoir combien je souffre de me sentir si seule. Le fait de n’avoir personne au monde qui m’attende, qui pense à moi, et le fait de n’avoir personne à accueillir ou à aimer m’est insupportable. J’ai l’impression que plus rien ne me retient à la vie. Rien ne m’intéresse. Il est des jours où je voudrais mourir tellement la vie me semble vaine et inutile. » Jacinthe, une amie, m’écrivait récemment : « Ma solitude me fait souffrir, je ne me trouve plus belle parce que je n’ai personne à aimer. » Jusqu’où peut-on aller pour satisfaire son besoin d’amour?
Sylvain a 28 ans. Il vient me consulter parce qu’il vit sa huitième peine d’amour. Toutes les femmes qu’il a aimées l’ont abandonné. Pourtant, il a tout fait pour les garder. Jamais il ne leur a refusé quoi que ce soit pour ne pas les perdre. Le besoin d’amour est tellement fort chez l’être humain qu’il est parfois prêt à se nier, à se détruire, à devenir une marionnette dans les mains des autres pour ne pas perdre cet amour.
Autant il est néfaste de nier son besoin d’amour par la rationalisation, autant il est nuisible de devenir dépendant pour ne pas perdre l’amour des autres. On ne règle pas un manque d’amour en donnant toute la place à la pensée rationnelle ou en la cédant dans son entier à « l’autre ». Dans les deux cas, il y a négation de soi. Dans les deux cas, il y a un manque d’amour de soi. La capacité d’aimer et d’être aimé est directement proportionnelle à la capacité de s’aimer soi-même. On revient ici à l’importance de la relation. Comment apprendre à s’aimer si on n’a pas été aimé? La personne qui ne s’aime pas a manqué d’amour, a été rejetée, jugée, niée dans son vécu. C’est alors le rôle des éducateurs et des thérapeutes de lui faire vivre une expérience d’amour véritable. Entouré d’influences agréables, le psychisme se transforme. C’est l’amour de l’entourage qui éveillera notre propre amour et qui nous permettra d’aimer dans le respect profond et inébranlable de ce que nous sommes. S’aimer, aimer et être aimé sont les trois composantes indissociables du besoin vital d’amour dont la satisfaction donne à l’être humain la clé de son équilibre et de son évolution intérieure.