Le « toucher ». À lui seul, ce mot est évocateur. Instantané.
Le Toucher… ment, il me connecte à mon monde intérieur, à mon rapport à autrui et à mon corps dans l’immensité de son besoin de contact physique, mais aussi dans son appréhension de ce même contact. Le toucher n’est jamais neutre. Il provoque souvent en nous une décharge émotionnelle puissante tout en nous donnant accès, inconsciemment, à une banque de données et d’informations dans laquelle sont stockés émotions, défenses, refoulements, plaisirs, souvenirs…; les traces indélébiles de notre histoire. Mais au-delà des souvenirs parfois souffrants liés au toucher, il est un besoin de l’être humain, de la naissance jusqu’en fin de vie.
Le toucher est partout. Nous palpons, manipulons, entrons en contact par le toucher avec les êtres vivants, les éléments et les objets. Le toucher est l’un de nos cinq sens indispensables à notre survie, un système d’alarme naturel qui nous permet d’estimer la dangerosité de l’environnement. Par le toucher, nous arrivons à déterminer la texture, la consistance et la température. Toucher est une nécessité capitale au même titre que se nourrir, respirer, boire, dormir. Et c’est par notre peau, grâce au toucher, que nous ressentons, aimons, détestons. L’être humain est un être de relation. Être touché est un besoin essentiel et existentiel pour le bien-être, la santé et la survie même. Le toucher est un besoin, pour soi et pour l’autre. Toucher et être touché. Offrir et recevoir des câlins, prendre une main, toucher une épaule sont autant de démonstrations qu’il fait bon recevoir et donner.
Lire sur le toucher et parler du toucher a fait naître en moi de nombreuses émotions. J’ai été confrontée à mon corps, à mon besoin de toucher et d’être touchée. J’ai découvert de façon encore plus significative mes résistances, mes blocages, avec comme conséquence un toucher parfois moins généreux dans l’intimité et mon accueil de l’autre souvent brimé à cause de mes blessures et de mes souffrances. Si derrière le mot « toucher » se cachent les mots émotion, ressenti, lâcher-prise, s’y cachent également les mots méfiance, ressentiment, retenue.
Pour chacun de nous, notre corps porte en lui des mémoires douces et douloureuses. Au fil de mes recherches, j’ai eu le grand bonheur de découvrir Christian Hiéronimus. Il a écrit plusieurs livres, notamment Le toucher, un art de la relation et La sensualité du toucher que je me suis procurés. On dit de lui qu’il est un poète du massage, un homme de cœur, de douceur et de tendresse et qu’il a les mots du chercheur spirituel. C’est aussi mon impression. Ses écrits sont un pur délice du début jusqu’à la fin. Lire ses livres, c’est se réconcilier avec la partie blessée de nous-mêmes, c’est comprendre les zones négligées de nos corps et vouloir s’offrir le toucher qui touche, sortir de l’anesthésie sensorielle pour apprendre ou réapprendre à percevoir avec nos mains, notre corps, notre peau tout entière.
Et puis la douleur physique, quand on est écorché vif, ça aussi fait partie du toucher, et c’est ce qui m’est arrivé le 6 septembre dernier, jour du mariage d’une de mes sœurs. Arrive le moment du lancer du bouquet de la mariée. Nous sommes quelques femmes derrière elle, enthousiastes et prêtes à emboîter le pas ou courir. Si vous avez vu le film Forrest Gump, vous vous rappelez sûrement de cette scène où Forrest se met à courir en entendant Jenny lui crier : « Run, Forrest, Run! » C’est ce que j’ai fait, j’ai couru. J’ai couru, j’ai trébuché et j’ai touché le sol brutalement. Dans ce cas-ci, je n’ai pas « touché du bois », j’ai plutôt été « piquée au vif » par l’asphalte rugueuse et granuleuse. Les plaies aux paumes des mains ont nécessité des bandages, réduisant ma poigne sur les objets, entraînant frustration. Oui, nul doute, la thématique du toucher se voulait présente.
Et puis, il m’aura fallu cette douleur pour me reconnecter à mon corps, car oui, il arrive que nous en soyons déconnectés, tout autant que lorsque nous touchons les objets; il arrive que nous soyons déconnectés et que notre toucher soit mécanique. En ce moment, vous tenez la revue entre vos mains; prenez conscience de la sensation de votre peau en contact avec le papier, de la température du papier et de sa texture. Est-ce agréable ou désagréable? Parce que je vous y ai invité, vous passez d’un mode mécanique à un mode conscient. Intéressant, n’est-ce pas? Une autre raison de dire que le toucher n’est jamais neutre.
Arrive le moment de vous souhaiter une lecture inspirante pour cette édition spéciale sur le toucher. Les auteurs-collaborateurs y ont mis leur touche personnelle et leur cœur. Puissiez-vous être touchés….