La respiration holotropique, du grec « holos » – tout – et « trepein » – se tourner vers –, a été développée à Esalen dans les années 70 par Stanislav Grof, psychiatre d’origine tchèque, et sa conjointe Christina Grof. Stanislav Grof est avec Abraham Maslow et Anthony Suttich un des fondateurs du champ de la psychologie transpersonnelle. Il est un chercheur renommé dans l’étude de l’utilisation d’états de conscience non ordinaires à des fins d’exploration, de guérison et de croissance de la psyché humaine.
Depuis des dizaines de milliers d’années, les chamans utilisent les états de conscience modifiés pour guérir l’âme et le corps. Une recherche sur près de 500 cultures étudiées par des anthropologues – plus de la moitié des cultures du monde – a montré que 90 % d’entre elles avaient intégré une forme quelconque d’états de conscience non ordinaires1. Ces états de conscience sont au cœur des branches mystiques des grandes religions du monde : le soufisme dans l’islam, le yoga dans l’hindouisme, la Kabbale dans le judaïsme, les mystiques du désert dans la chrétienté. Différentes cultures et religions utilisent des techniques diverses pour atteindre ces états de conscience modifiés : les plantes médicinales sacrées, la méditation, la prière, le jeûne, l’isolement, la privation de sommeil, le chant, les tambours, la danse, les températures extrêmes, la mutilation, les quêtes de vision, etc. Et bien sûr le souffle.
La respiration holotropique permet, dans un cadre sécuritaire, sans aucune substance, seulement à l’aide de la respiration soutenue par une musique évocatrice, d’avoir accès à des états de conscience modifiés qui nous mettent en contact avec des dimensions de notre être dont nous sommes généralement coupés.
Grof a établi une cartographie de la psyché qui permet d’interpréter et d’intégrer ce qui est alors expérimenté. Il a proposé trois grands territoires qui peuvent être visités. Le premier est celui de notre biographie, ce que l’on a vécu depuis la naissance, autant dans les aspects blessants qui ont été refoulés que dans ce qui a pu nous soutenir et nous épanouir et qui a été oublié. Il nomme le second le « périnatal », soit de la conception à notre naissance. On peut donc revisiter différents moments de notre séjour intra-utérin et tout le processus de notre naissance. Déjà, la qualité de ce qui nous a été offert dans l’utérus et lors de notre venue au monde ainsi que les heurts qui ont pu survenir dans cette période de notre vie ont laissé des empreintes qui continuent d’influencer notre façon de vivre notre vie présente. Le troisième territoire est celui du « transpersonnel », proche de ce que Jung appelait l’inconscient collectif. Ce territoire est vaste, on peut y vivre toutes sortes d’expériences : être et participer au monde minéral, végétal, animal ou sidéral; rencontrer des animaux de pouvoir, des archétypes, des êtres historiques, mythologiques, imaginaires, des dieux et déesses, des ancêtres, etc.
Ces expériences en états de conscience modifiés peuvent être corporelles, énergétiques, émotionnelles ou visuelles et métaphoriques. Elles couvrent un grand spectre allant de l’extase et du ravissement à une confrontation avec des zones plus chargées et intenses. Grof a proposé l’hypothèse selon laquelle nous portons au niveau psychique un « guérisseur intérieur » qui soutient notre épanouissement et veut notre guérison, un peu comme le corps physique se mobilise pour guérir une lésion. Ainsi, on ressort le plus souvent d’une expérience de respiration holotropique apaisé et plus éveillé.
La respiration holotropique est une façon simple, accessible et sécuritaire de faire l’expérience de ce que l’on porte et de ce qui nous porte.
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1 : Bourguignon, Erica (éd.) (1973)
Religion, Altered States of Consciousness and Social Change. Columbus, Ohio: Ohio State University Press.