Après avoir œuvré pendant 30 ans sur le marché du travail, à mon premier emploi professionnel en formation il y a 15 ans, je me suis heurtée à une cohorte de jeunes étudiants universitaires fraîchement embauchés qui se voyaient offrir — avant même la fin de l’été — des possibilités alléchantes de promotions et de postes sans que je puisse même concurrencer avec eux parce que je n’avais pas de diplôme universitaire.
La souffrance et la déception ressenties en les voyant passer devant moi malgré l’expérience acquise étaient si grandes que cela m’a poussée à passer à l’action. Je ne savais trop comment jusqu’au jour où une consultante en gestion de carrière, que j’avais engagée, s’est arrêtée à mon bureau pour me demander comment j’allais. « Pas très bien » lui dis-je, lui partageant mon sentiment d’impuissance par rapport à la situation. « Mais qu’est-ce que ça te prendrait pour enlever cet obstacle? » « L’Université je pense, mais je ne veux pas me retrouver sur les bancs d’école pendant des années à mon âge. » Du coup elle me dit : « Je connais une personne à l’Université qui peut t’aider. Va la rencontrer, c’est une bonne personne. » Je me suis dit, « on ne sait jamais, au point où j’en suis pourquoi ne pas explorer. »
Je prends rendez-vous. Je ne connais rien de son secteur de responsabilité. Elle commence par répondre à mes questions puis soudainement j’ai l’impression d’être en entrevue :
« Qu’avez-vous étudié depuis que vous avez quitté le collège? Quelle sorte de travail faites-vous? Quelle est votre conception de l’Éducation des adultes? »
Satisfaite de mes réponses, elle me dit : « Je pense que l’Université serait prête à vous accueillir dans des études de deuxième cycle. Nous profiterions de votre expérience et vous du milieu universitaire. » Je bredouille, hum… « Des études de deuxième cycle? Mais qu’est-ce que c’est exactement? Est-ce que ça prend un baccalauréat pour y être admis? » « Oui, madame. » « Mais je n’ai pas de baccalauréat! » « Qu’à cela ne tienne, dit-elle, l’Université serait prête à vous admettre sur la base des expériences professionnelles et des études acquises dans le domaine de l’Éducation des adultes depuis que vous avez laissé le collège. » Je n’en crois pas mes oreilles. Cette personne est en train de m’ouvrir toutes grandes les portes de l’Université.
Je me souviens encore du sentiment d’exaltation qui m’habitait ce soir-là en traversant le jardin de l’Université, à la belle étoile, en me disant : « Qu’est-ce qui vient de se passer? Je suis venue ici en exploration et me voilà admise à des études de deuxième cycle. Ce n’est pas croyable! » La tactique de la consultante avait fonctionné. « Va juste la rencontrer », m’avait-elle dit. En me rendant le choix simple et accessible, elle avait démystifié l’Université et la résistance était tombée.
J’ai terminé avec succès mes études de deuxième cycle, puis j’ai poursuivi à la Maîtrise que j’ai complétée à 60 ans! De quoi rendre mon père fier.
L’idée qu’on se « bâtit » soi-même, sans l’aide des autres, est une illusion. Elle nous empêche d’apprécier la façon dont la Vie nous soutient à chaque instant et de reconnaître que nous sommes aimés, même si ce n’est pas toujours de la façon dont on le souhaiterait, ni par la personne que l’on voudrait.
Sans l’intervention habile et attentionnée de cette consultante pour me guider et m’apprivoiser et l’ouverture d’esprit et la reconnaissance de la responsable à l’Université, j’aurais continué d’agir en fonction de mes limites, blâmant les autres pour mon infortune sans jamais réaliser l’éventail de possibilités qui s’offrent une fois que l’on prend charge. Einstein disait : « Il n’y a vraiment que deux manières de vivre sa vie, comme si rien n’est un miracle ou comme si tout est un miracle. »
J’ai choisi la deuxième. Et vous?