Être désirable, être désirée… réveiller Éros, mais sans trop faire de bruit, car il peut être dangereux d’être belle et attirante! Les lois biologiques animales, les principes freudiens ou les histoires anciennes qui sommeillent dans le cœur et dans le sexe des femmes, font d’elles des beautés désespérées. Comment ouvrir en douceur les ailes du désir?
Elle est belle, attirante, envoûtante et presque dangereuse. Tous les yeux de l’assistance descendent sur ses longues jambes de Barbie, remontent à sa taille de guêpe après avoir fait une pause sur ses fesses parfaites. Ses longs cheveux de jais encadrent ses lèvres rouges qui rappellent la turgescence du sexe d’une femme qui veut faire l’amour. Elle a maquillé ses yeux d’un noir désir pour que l’éclat de sa pupille s’accroche à un cœur de passage. Elle laisse l’empreinte enivrante d’un parfum obsédant que chacun pourra ramener dans sa mémoire et ranger dans sa boîte de fantasmes. Une beauté désespérée vient de traverser la salle.
Séduire veut dire « conduire à soi »
Une beauté désespérée couche ses envies interdites sur des aventures impossibles dans le désespoir inconscient de mourir. La femme séductrice a envie de dire« oui » avec son corps, mais son inconscient bardé d’interdits lui faire dire « non ». Pour résoudre ce double message, elle invente la femme fatale. Celle dont la force du désir poussé à l’extrême conduit au refus.
Au bras de Marilyn, séduire se conjugue avec suicide, car comme dans la forêt, une femelle qui émet tant de signes colorés et odorants serait une proie facile. Elle ne survivrait pas longtemps aux regards des prédateurs et serait la risée de toutes ses copines qui, prudentes, regardent les mâles roucouler ou parader dans leurs belles voitures. À eux de prendre des risques pour séduire. Dans la forêt humaine, Marilyn n’a pas réussi à réconcilier Aphrodite et Freud. Les pulsions charnelles de la Déesse olympienne n’ont pas convaincu les démons de l’inconscient.
Le spectre de la mort rôde
La femme séductrice est suicidaire : elle se jette dans le cœur de l’autre pour y mourir de ne pas avoir le droit de vivres ses envies. Si elle croit qu’elle n’a pas été désirée par ses parents, elle respecte toute sa vie ce programme de ne pas être désirable. Pour elle, c’est le non-désir qui rime avec la vie. Aussi, chaque fois qu’elle manifeste une envie, le spectre de la mort rôde autour d’elle et vient tuer ses phéromones. Être indésirable est la seule solution de survie.
Parfois, elle prend une assurance-vie qu’elle appelle « mari » qui lui permet de sortir tous ses atouts de séduction sans prendre le risque d’être mangée. Elle peut alors essaimer son désir pour le plus grand plaisir de son homme qui roucoule d’avoir si belle femme. D’autres, que le besoin d’amour immense a jeté sur les trottoirs de l’indécence ont une « assurance-survie » qu’on appelle « maquereau ». Elles meurent à petit feu, d’être exposées ainsi comme des proies dans la jungle du cœur des hommes.
Est-il donc si dangereux d’être désirable?
Quand la psychologie expliqua à la petite fille qu’il était normal qu’elle ait du désir pour son père, il aurait fallu rappeler à celui-ci la nécessité de gérer ce désir incestueux. Le cours 101 sur Œdipe aurait dû être obligatoire. Lorsqu’elle arrive à l’adolescence, avec l’espoir encore vivant de croire que son père sera l’homme de sa vie, la jeune fille confond désir et impossible. Car le père effrayé par les formes séduisantes de la puberté, arrête tout à coup les câlins et compliments doux. Certaines s’enlaidiront comme peau d’âne pour ne pas risque de séduire. D’autres à l’inverse se maquilleront à outrance et se feront traitées de putain par un père jaloux, incapable de lui tendre la main.
Elle aimerait tellement comprendre qu’il est sain d’être désirable et qu’il appartient à l’autre, de gérer ses pulsions. Tous les hommes ne sont pas « heureux comme Ulysse » qui ose entendre le chant des sirènes et transcender cet appel charnel. Les sociétés où l’homme craint son désir, pour des raisons religieuses ou culturelles, enferment la beauté des femmes dans les voiles de l’ignorance, croyant que le désir est une étincelle que l’on étouffe avec la haine et le mépris.
Le désir d’une femme est une luciole
Le désir d’une femme est une luciole qui produit elle-même sa propre lumière.
Filet doré entre son cœur et son sexe, il engendre une pluie d’étoiles filantes dans son esprit et permet à Dieu de pénétrer son âme. C’est d’ailleurs ce qui la rend séduisante et éternelle. La beauté vient de l’intérieur et laisse le désir s’échapper dans l’éclat d’une pupille, dans l’érection d’un mamelon ou dans la chaleur humide d’un vagin. La valse des hormones du désir fait tourner la tête de chaque cellule qui, dans un doux soupir, sourit de pouvoir ainsi s’abandonner sans danger.
La femme qui a reconnu sa peur d’être désirable, peut en conscience la dépasser pour laisser émerger sa sexualité sacrée. Elle fait la paix avec peau d’âne, avec Marilyn et Aphrodite. Elle a de la compassion pour ce vieil Œdipe et pardonne même à Abraham son manque de courage. Quand le feu de la rancœur s’éteint dans son corps, il cesse de brûler les phéromones de ses désirs. Des volutes sensuelles imprègnent ses ailes de femme divine et le vent qui se fait complice inonde son aura de mille délices.
En se promenant au bras de Sarah, une des trois matriarches de la bible, on sent les regards suivre en silence cette femme d’une grande beauté. Abraham son époux en est tout gêné, surtout lorsqu’ils quittent le village et voyagent dans des contrées où des étrangers pourraient le jalouser. Alors, Abraham présente sa femme comme sa sœur, pour la protéger dit-il. En fait, avoir une femme désirable peut le mettre en danger. Car on pourrait le tuer pour la lui ravir. Par contre, si quelqu’un touche à sa « sœur », il pourra toujours jouer l’offusqué et l’accuser. On inventa le mensonge pour sauver le mari. Un mensonge doué de raison pour excuser la couardise d’une passion.