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Les livres de la vie

Un kundalini collectif

Ça sert à quoi, une vie? Quelle est notre raison d’être? Pourquoi sommes-nous sur terre? Bien des philosophes et des experts de toute sorte ont essayé de répondre à ces questions sans pourtant nous satisfaire. Cette chronique vous propose d’explorer ces questions essentielles en vous offrant diverses expériences transformatrices racontées par divers individus qui se sont tous posé cette question : elle sert à quoi ma vie?

Ceux d’entre vous qui me connaissent savent que j’ai un p’tit côté irrévérencieux qui aime bien faire des farces et faire rire les gens. Et pourtant, lorsqu’il s’agit de penser au sens de ma vie, je ne peux m’empêcher de me remémorer trois expériences bien particulières qui sont survenues à trois différentes époques de ma vie. Je sais maintenant qu’il s’agissait d’expériences Kundalini. Mais au moment où elles avaient lieu, ces fameuses expériences, je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait…

À la fin de notre dernière chronique, j’étais sur le point de vous raconter la première de ces expériences. Il s’agit d’une aventure qui m’est arrivée en 1973 et a duré une dizaine de mois. Cette aventure-là, je ne l’oublierai jamais. Et je peux encore dire ça malgré que cette expérience est survenue il y a déjà 30 ans.

C’est la troisième semaine du mois de septembre en 1973… Nous sommes une trentaine de personnes à suivre un cours de métaphysique dite appliquée. Lors d’une session particulièrement intense, on discute de l’amour. J’argumente avec notre prof, la fondatrice et la guru de notre organisation lorsqu’elle m’interrompt brusquement en disant avec autorité : Non, Marcel, le phénomène dont tu parles, ce n’est pas de l’amour véritable, ce n’est que du sexe! Ton problème à toi, c’est que tu n’as jamais compris ce qu’est l’amour véritable!

Normalement, ce genre d’intervention aurait provoqué une réplique rapide, car, d’habitude, j’ai la parole facile et j’aime argumenter. Mais cette fois-ci, je suis complètement pris au dépourvu. Soudainement bouleversé, je réagis d’une façon qui me surprend complètement : je me précipite hors de la classe. Je n’ai qu’une chose en tête : m’éloigner de cette femme! M’éloigner de cette classe! Inexplicablement, je me mets soudainement à me parler à haute voix, maugréant que ma guru ne sait pas de quoi elle parle. Plus je parle fort, mieux je me sens. Malgré ça, je ne peux m’empêcher de me mettre à pleurer à grosses larmes puis à hurler à haute voix. Plus je hurle, mieux je me sens, ce qui m’encourage à hurler encore plus fort. Je continue de crier et de pleurer à haute voix pendant au moins une quinzaine de minutes. Puis tout à coup, je ressens une douleur intense en arrière de la tête. Une voix (qui n’est nettement pas la mienne) me dit avec autorité : « Ton thalamus est en train de surchauffer. Calme-toi ». Surpris, j’arrête subitement de crier et de pleurer. Ma douleur disparaît aussitôt. Une lumière étrange m’enveloppe et un silence étourdissant m’entoure. Un calme étrange, mais bénéfique s’empare de moi. Ma colère et mon désarroi ont disparu et cédé la place à une sorte d’extase. Ma vie me semble tout à coup imbibée d’un sens profond et immuable. Je comprends maintenant TOUT. Et j’ai bien hâte de partager ma révélation avec les gens que je viens tout juste de quitter.

De retour à la salle de classe, j’en ouvre brusquement la porte pour me précipiter à l’intérieur. Une nouvelle surprise m’y attend : la pièce est remplie d’une énergie intense qui pulse partout et la couvre de couleurs vibrantes. Tout au fond de la pièce, je vois notre prof qui me sourit et m’ouvre les bras. Je me précipite dans ses bras en essayant d’expliquer ce qui m’est arrivé, mais je ne peux rien dire. Je ne parviens qu’à émettre des balbutiements incompréhensibles. Je me sens comme un bébé qui vient à peine de naître. De la bave me dégoutte de la bouche et le nez me coule à profusion, mais je me sens heureux, heureux, heureux comme jamais auparavant. Malgré ça, je suis assez conscient pour constater qu’un étrange tableau m’entoure : une trentaine de personnes me regardent avec consternation. Certains sont simplement curieux. D’autres sont visiblement ébranlés. Quelques-uns tremblent de peur. D’autres se bercent sur place comme de jeunes patients mentaux en état de choc.

Je désire vraiment leur expliquer ce qui s’est passé, ce qui m’est arrivé. Je veux les rassurer. Leur dire que tout va bien. Que ce que j’ai vécu est merveilleux. Qu’il ne faut surtout pas résister. Que tout ce qu’ils ont à faire est de permettre à l’expérience d’avoir lieu. Je veux leur affirmer qu’il n’y a rien à craindre. Que « passer de l’autre côté du voile » est tout à fait miraculeux, Mais je ne peux pas. Je ne peux toujours pas articuler un seul mot. Je ne fais que balbutier et baver. Et plus j’essaie de parler, plus je gargouille. Plus je gargouille, plus ceux qui m’entourent sont perplexes et plus je trouve ça drôle. En fait, tout me semble drôle. Très drôle.

Dans les heures qui suivent, une vingtaine d’autres personnes vivent une transformation semblable à la mienne. Un après l’autre, ils « percent » le voile qui me semble séparer la dimension physique de la dimension éthérique. Chacune de ces percées m’apparaît être une victoire importante, une sorte de conquête du monde spirituel par rapport au monde physique. Je suis convaincu que plus il y aura de gens comme « nous », mieux nous serons.

Vous vous souvenez de la voix qui m’avait suggéré de me calmer? Cette voix me revient à maintes reprises. Elle me parle de Marcel comme s’il n’est qu’une personnalité particulière dans une longue ligne de personnalités que je possède dans ma garde-robe multidimensionnelle. Dès les premiers instants après ma transformation, cette voix me guide d’un moment à l’autre. Elle me suggère quel individu aider à « traverser » dans la nouvelle dimension. Elle me murmure des détails intimes à mentionner à certaines personnes et me prédit ce qui va se passer d’un instant à l’autre.

C’est ainsi que s’amorce une transformation qui va s’échelonner sur une période de plusieurs mois. Marcel était un individu très sérieux et prudent. Sur les instances de ma voix, je deviens très enjoué et insouciant. Marcel était émacié et de faible constitution. Je gagne du poids et développe des muscles que je ne connaissais même pas. Marcel évitait tout sport et toute forme d’efforts physiques. Moi, je fais maintenant de la natation et de la musculature plusieurs fois par semaine. Marcel était dépressif et assez maussade, moi je suis très joyeux, même heureux jusqu’au point de chanter et de fredonner à tout moment de la journée.

Pour ce qui est de ma sexualité, elle aussi subit une transformation plutôt radicale. Quoique j’ai toujours été intéressé aux plaisirs charnels, ma personnalité assez maussade m’avait souvent empêché d’en profiter avec joie et abandon. Tout ça change avec l’aide de ma voix. Sur ses instances, je profite de maintes occasions érotiques et m’y abandonne avec passion et insouciance.

Plus je lui fais confiance, plus ma voix se fait connaître. Elle m’affirme qu’elle est là pour m’aider à surmonter les limites de Marcel. Elle me lance toutes sortes de petits (et gros) défis dont le but semble être de remettre en question mes habitudes et mes attitudes périmées. Elle m’enseigne à contourner les peurs, les appréhensions et les limites de Marcel. Elle m’offre maintes suggestions qui vont à l’envers de ses façons de penser, de son mode de vie, de ses inhibitions et même de ses croyances religieuses et spirituelles.

Cet état d’euphorie restera avec moi pendant plus de dix mois, cette année-là. Durant toute cette période, je suis constamment habité d’un sentiment de parfait bien-être et de joie soutenue. Je continue de plus à me percevoir comme une sorte d’extra-terrestre pour qui chaque nouvelle journée est une aventure inusitée.

Puis, un jour, je m’aperçois que tout est fini. Mon extase disparaît complètement sans laisser de traces. Ma certitude n’est plus là. Mon ancienne personnalité est de retour. Je suis de nouveau Marcel. Je ne suis plus qu’un humain bien ordinaire.

Mon état kundalini ne me reviendra que huit ans plus tard, lors d’un voyage en Égypte. Mais cette histoire-là, je vous la raconterai dans une prochaine chronique.

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