Intervenant social de première ligne, il est le fondateur de l’organisme Le PORTAIL de l’Outaouais, un organisme qui aide à contrer l’itinérance et l’exclusion sociale.
Par Carole Verdon
Le cheminement d’un homme qui veut donner au suivant!
Nous nous sommes donné rendez-vous dans un café, à Aylmer. Le contact fut instantané. Vous savez, ce genre de rencontre où vous avez l’impression de connaître l’autre depuis toujours; voilà ce que j’ai ressenti en présence de Christian Gosselin! Un homme direct et transparent, un homme sensible, un homme à la voix forte et au rire caractéristique. Un homme blessé mais qui a voulu guérir, un homme détruit mais qui s’est reconstruit, un homme écorché vif qui s’est réconcilié avec la tendresse, un homme consumé de l’intérieur et qui, par la force de tout son être, a laissé la Lumière se frayer un chemin jusqu’à lui. Il sait maintenant qu’à l’intérieur de lui, il y a une source inépuisable.
Christian, c’est un homme généreux et débordant d’humanité, un bagarreur qui s’est adouci, un homme qui clame haut et fort « la droiture à tout prix », un homme au cœur d’enfant, un homme qui a connu la descente aux enfers avec l’alcoolisme, avant de trouver sa mission de vie : servir.
La descente aux enfers, le fond du baril, c’est dans sa cour. Oui c’était dans sa cour, dans son milieu familial. Une mère monoparentale et alcoolique. Je lui volais de la boisson dans son 40 onces et j’allais boire le soir dans le parc Bisson. J’ai commencé à boire parce que je ne voulais plus souffrir de cette atmosphère familiale chaotique. J’ai endormi ma souffrance. Pour boire, j’ai menti, manipulé, volé et j’ai vécu à l’encontre de mes valeurs les plus fondamentales. J’ai bu jusqu’à en perdre mes amis, mes amours, mes emplois, mes logements, ma dignité, mes espoirs, la maîtrise de ma vie et ma raison. Pourquoi? Parce que je suis atteint de l’alcoolisme, tout simplement, une maladie sournoise et puissante.
Le Dépanneur Sylvestre, son issue de secours. Quand Christian s’est présenté au Dépanneur Sylvestre, il était alcoolique et toxicomane, mais grâce au dépanneur, il s’est ressaisi et a remonté la pente. J’étais exclu, jugé dans mon entourage et vraiment incapable de fonctionner en société. J’avais connu l’itinérance. Au dépanneur, on m’a accueilli, on ne m’a pas jugé. Je suis rentré comme dans le ventre d’une mère. Puis, pendant huit longues années, il y a eu une transformation qui s’est faite parce que j’ai été accepté, non jugé. On voyait l’être de lumière que je suis et non l’alcoolique. On m’a permis de m’impliquer et de gagner un peu de confiance en moi-même et de voir ce qui est vivant en moi et ce qui est mort.
Le Dépanneur Sylvestre n’est pas un dépanneur ordinaire. C’est une initiative citoyenne d’entraide et de solidarité. « Toutes les villes du Québec devraient avoir un Dépanneur Sylvestre », s’est exclamé le chanteur Richard Desjardins, de passage en 2012 pour un spectacle au profit du dépanneur.
Le 28 juin 2010. Dans nos vies, nous avons tous et toutes des dates mémorables. Pour Christian, celle du 28 juin 2010 est ancrée à jamais, c’est sa date de sobriété. Ce jour-là, j’ai arrêté d’avoir soif. J’ai trouvé ce que je cherchais. Cette soif a été assouvie. Ça, c’est définitivement un miracle, une intervention divine. Mais la nuit précédant ma date de sobriété a été la nuit la plus difficile de ma vie, et Dieu sait que j’en ai vécu des atroces. C’est vrai que le moment le plus sombre de la nuit est ce moment juste avant l’aube.
La liberté intérieure. Pour Christian, la liberté intérieure, se sentir vraiment libre, c’est un chemin difficile mais pourtant simple. Les seuls moments où je me sens vraiment libre, où il ne me manque absolument rien, c’est lorsque je m’arrête en silence et que je touche ce lieu intérieur en moi, invisible mais palpable. Ce tout petit endroit en moi qui une fois touché devient plus grand que grand.
À 50 ans, de retour sur les bancs d’école. Peintre en bâtiment de son métier, Christian a obtenu son diplôme en travail social de la Cité Collégiale en 2014, ce qui lui permet d’agir comme intervenant social de première ligne. Le jour où j’ai pris la décision de retourner sur les bancs d’école, j’ai décidé de consacrer ma vie à participer à la guérison des maux de ce monde plutôt qu’à sa maladie. C’est maintenant ma responsabilité d’être là pour quiconque tend la main en quête d’aide. Je veux travailler au front, comme on dit. En itinérance, pauvreté extrême, alcoolisme, toxicomanie, prostitution; le milieu que j’ai fréquenté.
L’itinérance : Un problème de société? Une question de décrochage des valeurs proposées par la société actuelle? Une recherche de liberté? Que l’on ait ou non des préjugés, du mépris ou de l’incompréhension à l’égard des itinérants, un fait demeure : l’itinérance fait partie de notre réalité sociale. Ayant lui-même connu cette condition, Christian s’est donné comme mission de fonder un organisme de bienfaisance enregistré — Le PORTAIL de l’Outaouais — qui aide à contrer l’itinérance et l’exclusion sociale.
Quel était ton but en fondant le PORTAIL de l’Outaouais?
Produire un journal de rue mensuel en Outaouais comme il en existe dans d’autres villes du Québec et ailleurs dans le monde. Qui vend le journal, à qui et où? Des camelots itinérants vendent le journal aux piétons à différents coins de rue et dans certains endroits achalandés.
Combien coûte et se vend le journal?
Le camelot achète le journal à 1,50 $ avec son propre argent et le revend 3,00 $.
Quel est l’objectif du journal?
Le retour à l’autonomie. Chaque camelot est son propre patron. C’est plus valorisant de vendre un journal aux passants que de tendre la main. Cette action concrète aura un impact direct sur l’estime de soi et la prise en charge des camelots. Chaque piéton qui achète le journal contribue à une partie de la réinsertion sociale des personnes itinérantes.
Sur quoi portera le contenu du journal?
L’itinérance, les problématiques connexes, le rétablissement personnel et social, les modes de vie sains, l’art et la culture. Qui écrira dans le journal? Les articles seront écrits par des étudiants en journalisme, par la clientèle fragilisée, les acteurs sociaux et tout communicateur intéressé à s’impliquer. On y traitera de nombreux sujets pour attirer le lecteur désireux d’acheter son exemplaire à chaque mois. La première édition du journal est prévue pour le 1er décembre.
Carole Verdon — J’ai accepté avec grand plaisir de signer un article à chaque parution.
Donner au suivant. Christian a reçu beaucoup; il veut donner à son tour à la communauté. Je suis un homme qui ne veut qu’aimer au sens large. Aimer tout, même et surtout les êtres au comportement les plus aberrants; ce sont les êtres les plus souffrants. Je peux condamner l’acte, mais pas l’être humain.
Un cheminement inspirant. Nous avons besoin de modèles et d’histoires inspirantes. L’histoire de Christian fait partie de celles-là. Par son attitude, son optimisme, son courage et sa foi, il a su transformer le plomb en or. Une véritable alchimie a eu lieu : un processus de transformation intérieure, d’accomplissement et d’éveil à son plein potentiel.
1 Pour en savoir davantage sur le Dépanneur Sylvestre, lire sur le Web l’article intitulé Un dépanneur pas comme les autres, signé Anne Rousseau.
Christian Gosselin
leportaildeloutaouais@gmail.com
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