En spiritualité, tout commence par une panne (Richard Bergeron, Renaître à la spiritualité). Et il arrive que la panne se présente tout simplement sous une forme banale: « Je suis fatigué ». Il s’agit souvent plus que d’une fatigue physique causée par la dépense d’énergie quotidienne. Ce signal de fatigue indique une fatigue morale ou spirituelle qui peut se manifester à tout âge, à la suite des déceptions découlant des chemins parcourus.
Cette situation est une invitation à cesser de courir à longueur de journée, même durant nos journées de congé, pour emprunter de nouveaux chemins et ne pas oublier d’apprivoiser les espaces qui mènent à l’intériorité.
Il existe en chacun de nous un « espace sacré » à découvrir. Beaucoup craignent de s’avancer dans ce genre d’aventure comme s’il s’agissait de s’exposer à de vastes espaces où l’on risque de se perdre. On se met alors à chercher des guides extérieurs pour nous rassurer.
Il suffirait peut-être de commencer par apprivoiser le silence extérieur. S’arrêter, seul, dans la nature, à goûter le temps, à écouter la musique, à contempler la lumière ou les étoiles. Découvrir ou se créer des îlots de silence.
Tenter de faire un peu de silence intérieur par diverses formes de méditation ou de temps d’arrêt dans un lieu de calme choisi et apprécié. Fréquenter des ermitages ou des centres de retraite, pratiquer la marche silencieuse.
Offrir à l’âme agitée cette dose de calme quotidien qui nourrit non seulement le psychique, mais tous les niveaux de conscience, depuis les plus superficiels jusqu’aux plus comblants. Le silence parle fort; le silence me révèle le mystère que je suis, il est miroir et me reflète les secrets cachés, les désirs enfouis, les richesses inexploitées.
Dans un de ses sermons, saint Bernard affirmait que l’âme cesse d’être solitaire quand elle devient « sanctuaire ». Cela signifie que toute personne qui cultive l’ouverture intérieure peut aussi devenir un « espace sacré ».
Tout vivant conscient reçoit plus facilement les cadeaux de la vie lorsque tous les volets de sa maison sont ouverts pour laisser entrer toute forme de lumière.
De tous temps, les êtres spirituels, prophètes ou mystiques, ont désigné les chemins du sacré ; à tous les âges, ils ont cherché divers points de contact avec ce que nous appelons la Transcendance. On a attribué le nom de sacré à ce qui nous fait ressentir sa présence, nous induit à la contempler et à s’en émerveiller. L’actuelle désaffection pour le religieux institué n’implique pas la disparition des expériences de la transcendance. Elle les rend seulement plus difficiles à identifier.
Le témoignage de la vie de Jésus, comme celui de nombreux croyants provenant de toutes les cultures, pose la personne humaine comme réalité prioritaire, précieuse et inaltérable, sacrée. Toute sa pratique en témoigne : ses actes de guérison, ses attitudes d’accueil et ses enseignements éthiques privilégient toujours la personne et sa capacité de relation à Dieu.
Un témoin de chez nous, de réputation internationale, Jean Vanier, nous rappelle cette vérité dans le titre d’un de ses livres : Toute personne est une histoire sacrée.
Une urgence pour notre temps : reconnaître l’espace sacré que je suis, reconnaître l’espace sacré qu’est chaque personne humaine, même si elle est handicapée, migrante, d’une autre culture. La situation internationale de repli sur soi, de sécurité à tout prix, profiterait avantageusement d’une injection d’humanité en provenance des « sanctuaires » que nous sommes.