DES CHIFFRES QUI EN DISENT LONG
Au Canada, seulement 11 % du gaspillage alimentaire est attribuable aux détaillants et 51 % aux consommateurs. Annuellement, au Québec, c’est plus de 32 000 tonnes d’aliments comestibles qui sont jetées aux ordures par l’industrie agroalimentaire. Les Québécois perdent en moyenne 771 $ par année en nourriture jetée, soit 2,5 fois plus que chez nos voisins du sud.
Selon une étude publiée en 2010, les Canadiens jettent pour 27 milliards de dollars de nourriture chaque année et 1 item sur 4 est jeté sans avoir été consommé.
Le secteur agroalimentaire a évolué à vitesse grand V ces dernières décennies, laissant dans son sillage un triste constat : le tiers des aliments produits mondialement est perdu ou gaspillé (FAO, 2011). Bien que la nécessité de réduire le gaspillage fasse plutôt consensus, nous sommes en droit de nous demander si les citoyens, les citoyennes et le système agroalimentaire sont prêts à changer.
Surconsommation et mode de vie
Peu d’études ont été faites au sujet du gaspillage alimentaire, que ce soit au Québec, au Canada ou dans le monde. Toutefois, celles qui existent s’entendent quant à l’impact des habitudes de consommation des citoyens et citoyennes sur l’ampleur de la problématique du gaspillage alimentaire. En effet, dans les pays industrialisés, les plus grands gaspilleurs sont les consommateurs et consommatrices. D’abord, notre société valorise beaucoup le travail rémunéré et son pendant, la consommation. L’acte d’acheter est bien vu, il est signe d’opulence et procure une certaine envergure sociale. Afin de répondre aux attentes de leur famille et entourage, les consommateurs vont avoir tendance à acheter plus que ce dont ils et elles ont réellement besoin. Ceci, sans parler des horaires souvent chargés et contraignants qui limitent leur capacité à bien gérer les achats. Dans le cas qui nous intéresse, les aliments périssables n’ont pas une durée de vie infinie et doivent être entreposés, congelés ou transformés adéquatement.
Ensuite, l’annulation des cours d’économie familiale au secondaire, conjugué à l’éclatement des familles et à l’arrivée des femmes sur le marché du travail ont eu pour effet de faire diminuer le temps accordé à la transmission des savoirs culinaires. Ces derniers sont essentiels à la bonne gestion des aliments, mais sont aussi importants étant donné l’influence qu’ils exercent sur la perception de la cuisine : un moment passé en famille, qui nous permet de manger sainement sans gaspiller la nourriture que l’on a à la maison.
Matière à réflexion
Si la moitié du gaspillage alimentaire au Canada est la responsabilité des consommateurs et consommatrices, l’autre moitié relève de l’industrie à tous les niveaux de la chaîne alimentaire (production, transport, transformation et vente). En quelques décennies, nous sommes passés d’un système d’agriculture traditionnel de proximité à un système d’« agrobusiness » (agroentreprise) comptant beaucoup d’acteurs qui ont leurs propres attentes, normes et demandes.
« Un milliard d’êtres humains souffrent de malnutrition et pourtant, un tiers de la production mondiale de nourriture est jeté ».Tristram Stuart
Si une partie des milliers de tonnes d’aliments se retrouvant à la poubelle pouvait se retrouver sur les tablettes à moindre prix, ou dans les banques alimentaires, cela permettrait certainement de mieux répondre aux 1,6 millions de demandes d’aide alimentaire d’urgence mensuelles que reçoivent les Banques alimentaires du Québec.
1 En septembre 2013, une pétition portant 18 097 signatures a été déposée à l’Assemblée nationale du Québec pour demander au gouvernement d’obliger les supermarchés tels Maxi, IGA ou Métro à donner leurs invendus encore consommables à des banques alimentaires.