Dans nos rues, il y a de plus en plus de personnes qui offrent des câlins à qui le veut bien. Ceux-là sont gratuits, mais en France, on peut maintenant payer un spécialiste pour se faire câliner. Imaginez-vous cela : on s’allonge tout habillé avec la professionnelle dans une position que l’on a choisie pour une durée déterminée, et une caméra vidéo nous filme pour notre sécurité. C’est quand même un phénomène étonnant! Nous comprenons alors que notre société dite civilisée souffre probablement d’un grand manque affectif.
Avec la possibilité de se faire d’innombrables « amis » sur Facebook et autres médias sociaux, on se donne l’illusion d’avoir des relations. Pendant que nos échanges réels se raréfient, nous perdons peu à peu les clés du lien humain. Ajoutons à ce fait que la vie va de plus en plus vite et que grandit le nombre de personnes qui vivent seules. La question se pose alors : nous, les humains, avons-nous un réel besoin d’être tenus dans les bras de l’autre, d’être touchés et même caressés?
Bien sûr que oui! Toutes les recherches sur le sujet le prouvent : une personne qui n’est pas touchée commence à dépérir. Nous avons un besoin essentiel et vital de contact physique, comme tous les mammifères d’ailleurs! Faut-il s’en étonner? Comme les chats, nous aimons être flattés avec affection; comme les chiens, nous aimons nous lover les uns contre les autres. De célèbres expériences sur des bébés singes ont démontré que les petits préfèrent une maman douce et câline à une maman de fer et nourricière. Le bébé humain a besoin lui aussi de chaleureuses caresses. Dans son livre La peau et le toucher, Ashley Montagu explique que nos nouveau-nés naissent à ce point inachevés et vulnérables qu’ils bénéficieraient, selon lui, d’une deuxième période de gestation à l’extérieur de l’utérus pendant toute leur première année de vie. Il croit que nos bébés seraient en fait bien servis par une poche douce et chaude comme celle où grandit un petit kangourou. Cette réflexion nous rappelle la vulnérabilité du nouveau-né et la grande sensibilité de la peau à son environnement. Saviez-vous que la peau, cet abri de l’intime unité de l’être nous séparant du monde et nous y reliant tout à la fois porte dans l’étendue de ses pores des secrets inestimables? Dans un diamètre équivalent à celui d’une pièce de 25 cents, on compte 3 millions de cellules et quelques 640 000 récepteurs sensoriels! La peau expose ainsi au monde tout notre système nerveux.
Que se passe-t-il donc lors d’une étreinte? À prime abord, tout a l’air assez tranquille… mais ce qui se passe tient du miracle. Dès que deux personnes entrent en contact avec affection, tout un système d’adaptation se met en branle. Les cœurs vibrent dans une danse mystérieuse. Les personnes sont célébrées dans leur identité. Et lorsque le contact persiste pendant une trentaine de secondes, débute la sécrétion d’ocytocine, cette merveilleuse hormone surnommée l’hormone du bonheur. Comment alors faire la guerre à celui que l’on a tenu contre son cœur?
Maintenant, voici la bonne nouvelle : il n’est jamais trop tard pour créer dans son quotidien des espaces de tendresse et de soin. Notre société se trouve dans l’urgence d’une rééducation affective. L’art du toucher attend notre retour pour nous transporter dans ce merveilleux tissu de vie qu’est la peau et nous redonner notre pleine humanité. Il est là, disponible, juste au bout de nos doigts, tout au creux de nos mains de cœur. Embrasser quelqu’un, c’est comme lui dire en silence : merci d’exister!
Quel cadeau!