Les cadeaux ont été déballés et les sans-abris bien gavés. Le champagne a coulé et les amoureux ont célébré. Les solitaires sont demeurés seuls et les familles ont fêté. Certains auront cessé de fumer à minuit et des prisonniers retiendront leurs larmes. Il y aura eu des feux d’artifice et des vœux échangés. Il y a des espérances et des souffrances, des joies et des enfants heureux, des lunes pleines et d’autres printemps…
Des soldes dans les magasins, des iPod, des iPhone, des iPad à moitié prix. Des hommes et des femmes qui prendront leur retraite, des artistes qui gagneront des trophées et le premier bébé de l’année dans le journal. Des retrouvailles, des inattendus, des attentats, des décès de personnes inconnues et la disparition de certaines célébrités, des mariages et des divorces et une prochaine Saint-Valentin… Un été trop chaud, d’autres inondations, des famines, la terre tremblera et les informations seront diffusées jour et nuit. On récoltera beaucoup de dollars et des euros pour d’autres pays. Nous irons au cinéma ou en Floride ou en Italie.
Certains souhaiteront connaître leur avenir, certains s’adonneront au yoga et liront des commentaires du Tao, tandis que d’autres mangeront des sushis et se feront masser. Les chats continueront de ronronner et les chiens à donner la patte.
Puis le temps d’une respiration, nous nous sentirons aimés et aimants, le temps d’un instant, nous serons sans regret ni amertume, disposés à accueillir l’impensable, le nouveau, l’impossible, l’extraordinaire des jours ordinaires, sous la pluie, dans la neige, couchés sur le ventre ou près du feu, au cœur des bois, seul ou avec d’autres, comblés, bouche bée, si heureux de vivre encore et de pouvoir donner, partager et recevoir, si heureux d’avoir aimé et d’aimer encore, sans raison…
L’aube apaisera les inquiétudes, le silence parlera haut et fort, de nos accomplissements, de nos rêves, de la vie toute simple, toute simple, tellement simple que nous aurons la certitude d’entrer dans une année nouvelle… tout en douceur, le cœur en feu, les yeux ouverts, la tête en fête, l’âme méditante, nous embrasserons ce moment unique comme on embrasse une dernière fois celui qui va mourir pour s’unir à l’éternel. Des chants se feront entendre dans toutes les chaumières et nous danserons longtemps, longtemps, joyeux d’écouter battre le sang dans nos veines comme des tambours au solstice d’été.
L’année sera nouvelle au moment même où la vie sera nouvelle…