Exprimer nos émotions, des idées ou encore des malaises indicibles en couleurs et en lignes peut sembler, au premier abord, une tâche impossible, voire simpliste. C’est ne pas comprendre le pouvoir d’évocation, de réminiscence et d’intégration intérieure que peut avoir sur nous la création visuelle. Lorsque l’on cherche à exprimer un état d’âme, un traumatisme, un besoin, une émotion – surtout une émotion difficile comme la colère, la violence, la jalousie – il arrive que les mots nous manquent. Et que les maux nous restent… C’est à ce moment que le langage visuel peut nous venir en aide, car il court-circuite le rationnel, permettant ainsi de dépasser des blocages et arriver à des prises de conscience initiatrices de transformations thérapeutiques parfois radicales.
Les couleurs, utilisées en conjonction avec le ressenti, expriment souvent l’émotion pure, non traduite par les mots. Pensez à certaines expressions populaires telles qu’avoir les bleus, voir rouge; les couleurs semblent toutes indiquées pour concrétiser les émotions vécues. Il en est de même pour les traits; voyez ce que véhiculent pour vous les lignes brisées, zigzagantes, horizontales, verticales ou courbes. Prenez un crayon et laissez-vous illustrer la joie, la colère, la tristesse, l’angoisse, l’amour. Découvrez votre langage pictural à l’aide d’un simple crayon à mine ou d’un stylo. Qu’arriveriez-vous à dire si vous y ajoutiez la couleur?
La relation art-thérapeutique est tripartite, sa dynamique provenant à la fois du client, de l’art-thérapeute et de l’image créée. Le client est influencé par son image au fur et à mesure qu’il la crée; il la modifie dans un dialogue visuel intime et intense. L’interprétation et l’émotion de l’art-thérapeute face à cette image passe au second plan, car les images créées par le client lui appartiennent et lui seul sait les décoder. L’art-thérapeute joue un rôle de soutien, de témoin et de reflet du cheminement intérieur de son client à travers ses créations.
L’art-thérapie s’adresse aux individus de tous âges, aux couples, aux familles et aux groupes et toutes les problématiques peuvent en bénéficier. Au Québec, le titre Art-thérapeute professionnel du Québec (ATPQ) est réservé aux personnes ayant complété une maîtrise universitaire (M.A.) en art-thérapie ou une formation universitaire équivalente et reconnue par l’association des art-thérapeutes du Québec.
Bien que cette approche semble nouvelle, elle est bien ancrée dans l’histoire de la psychologie depuis au moins 55 ans. La profession s’est développée parallèlement aux États-Unis et en Angleterre et a maintenant acquis ses lettres de noblesse sur plusieurs continents. L’UNICEF a publié un livre intitulé Dessine-moi la paix, fruit du travail de « debriefing » d’enfants victimes de la guerre en ex-Yougoslavie.
Freud et Jung travaillaient avec les rêves et les émotions de leurs patients, les encourageant à voir et à décrire les images qui se présentaient à eux. S’ils leur avaient demandé de concrétiser en couleurs et en lignes ces images, ils seraient restés branchés plus directement avec l’inconscient de leurs patients, ce qu’ils recherchaient. Jung a utilisé le dessin, surtout les mandalas, pour explorer et étudier son propre inconscient. Quelques années plus tard, ce sont deux femmes aux États-Unis qui ont exploré plus à fond les possibilités du langage visuel concrétisé et qui ont créé les fondements de l’art-thérapie.
On trouve maintenant des art-thérapeutes dans les hôpitaux, dans les cliniques psychiatriques ou médicales, les CLSC, les centres gériatriques, les écoles ainsi que les résidences pour jeunes en difficultés, les organismes communautaires, etc.
En tant que professionnel en santé mentale, l’art-thérapeute doit fournir l’espace thérapeutique sécuritaire essentiel pour que son client se sente accueilli dans sa démarche et développe sa confiance en lui à l’aide de sa créativité et de son expression visuelle et verbale.