Qu’elle soit utilisée dans le contexte d’une démarche thérapeutique ou simplement pour découvrir ce qui se cache au fond de soi, l’art-thérapie met l’expression visuelle au service de la guérison de l’âme.
« Devant moi, une feuille blanche et des couleurs. En moi, des émotions, des idées, une sorte d’angoisse. Je regarde les couleurs plus que je ne regarde la feuille. Le violet m’attire, et pourtant c’est une couleur que je connais mal. Mais elle m’appelle. Je la prends et je laisse timidement une trace sur le papier tout blanc. Cela m’encourage. J’aime le contact du pastel sur le papier. J’aime ce que ma main ressent; et en moi, il y a quelque chose d’indéfinissable, une réponse à cette couleur, puis aux autres que j’applique. Ce que je ressens à l’intérieur de moi prend forme sous mes yeux. Je sens une sorte de libération, une pointe de satisfaction. Oui, cela commence à ressembler à ce que je porte en moi… »
Ce monologue pourrait être celui de ceux qui se laissent aller à se dire en images.
Exprimer en couleurs et en lignes des émotions, des idées ou des malaises indicibles peut sembler une tâche impossible, voire simpliste. C’est ne pas comprendre le pouvoir d’évocation, de réminiscence et d’intégration intérieure que peut avoir sur nous la création visuelle. Lorsque l’on cherche à exprimer un état d’âme, un traumatisme, un besoin, une émotion – surtout une émotion difficile comme la colère, la violence, la jalousie – il arrive que les mots nous manquent.
Et que les maux nous restent… À ce moment, le langage visuel peut nous venir en aide. Il court-circuite le rationnel, permettant de dépasser des blocages et d’arriver à des prises de conscience initiatrices de transformations thérapeutiques profondes.
Les couleurs, utilisées en conjonction avec le ressenti, expriment l’émotion pure, non « traduite » par des mots. Pensez à certaines expressions populaires : avoir les bleus, voir rouge, être vert d’envie; les couleurs semblent tout indiquées pour concrétiser les émotions vécues. Il en est de même pour les traits; voyez ce qu’expriment pour vous les lignes brisées, zigzagantes, courbes, etc.
Dans la relation entre l’art-thérapeute et son client, l’objet créé est partie intégrale de cette relation. Le reflet de nos œuvres nous invite à nous regarder avec du recul, nous permettant ainsi de nous différencier de nos émotions. Une colère intense ainsi exprimée prend une vie autonome, extérieure à nous. Elle devient ainsi moins menaçante, nous pouvons la voir pour ce qu’elle est, une émotion qui nous habite et peut nous quitter si nous en prenons les moyens. Cette différenciation entre l’émotion et nous-même est essentielle pour guérir et grandir.
L’apprivoisement d’un mode d’expression privilégié et personnel favorise aussi notre croissance dans l’authenticité. Nos images nous appartiennent et seuls nous en détenons la clé. Nous pouvons choisir de partager leur signification ou de la garder pour nous. L’art-thérapeute joue un rôle de soutien, de témoin et de reflet du cheminement intérieur de son client à travers ses créations et doit l’aider dans les changements à opérer pour guérir.
L’art-thérapie s’adresse aux individus de tous âges, aux couples, aux familles et aux groupes. Au Québec, le titre « Art-thérapeute professionnel du Québec » (ATPQ) est réservé aux personnes ayant complété une maîtrise universitaire (M.A.) en art-thérapie ou une formation universitaire équivalente et reconnue par l’Association des art-thérapeutes du Québec (AATQ). En tant que professionnel en santé mentale, l’art-thérapeute répond au code de déontologie de l’AATQ et doit fournir un espace thérapeutique sécuritaire qui favorisera le développement de la confiance de son client.
Deux programmes d’études supérieures sont offerts au Québec : une maîtrise, à plein temps, à l’Université Concordia de Montréal et l’autre, un DESS en voie de devenir une maîtrise, à temps partiel, offert par l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. Les deux programmes correspondent aux exigences de l’AATQ.
Prudence!
Certains professionnels utilisent parfois l’art dans leur démarche thérapeutique avec des clients. On doit le faire avec prudence. Les matériaux d’art peuvent susciter des réponses émotives intenses et profondes et une mauvaise utilisation peut entraîner des conséquences fâcheuses. Voici quelques recommandations à cet effet :
- Prendre en considération les problèmes potentiels issus du matériel utilisé.
- Le processus créateur peut être inhibé si on est trop préoccupé de l’ordre et de la propreté; utiliser un espace de travail qui peut être sali et facile à nettoyer.
- Être familier et à l’aise avec le matériel et les processus employés afin de susciter chez le client une réponse conforme à la démarche thérapeutique poursuivie.
- Encourager le client dans son expression personnelle; se voir comme un allié dans son processus créateur; ne pas imposer ses critères d’esthétique; traiter ses créations avec respect, les manipuler avec soin et se souvenir que c’est du matériel confidentiel.
- Observer le client en création et noter tout changement d’affect ou de comportement.
- Recevoir sans jugement ses craintes quant à l’utilisation de ce moyen d’expression et placer l’importance sur la valeur du processus plutôt que sur le produit.
- Utiliser l’art comme aide visuelle et pour bâtir sur les forces du client.
- Éviter l’analyse des productions artistiques; demander plutôt des impressions ou des questions ouvertes à partir des créations.
Le créateur d’images rend visible l’invisible…