La preuve n’est plus à faire à propos des répercussions de notre enfance sur notre vie d’adulte, sans oublier ce que nous avons ressenti à la naissance, durant notre vie intra-utérine, de même que l’influence héritée de nos ancêtres.
En lisant ceci, on peut possiblement se sentir découragé et se demander par où commencer. Et même, se poser la question suivante : pouvons-nous vraiment nous en sortir? D’abord, je crois qu’il est important de se rappeler que la perfection n’est pas de ce monde. Ensuite, qu’il n’est pas nécessaire de tout guérir. Et finalement, qu’à trop vouloir chercher, on risque de se perdre. On peut tout de même envisager un certain travail sur soi. Un des moyens est la psychothérapie. Parmi ceux et celles qui ont déjà exploré le monde de la thérapie, certains diront qu’ils en ont retiré des bienfaits, et d’autres affirmeront que cela ne leur a pratiquement rien procuré. Plusieurs facteurs sont à considérer si la thérapie n’a pas donné lieu à des améliorations dans la vie de la personne. Évidemment, il y a la qualité du thérapeute, l’efficacité de l’approche, mais aussi le degré de motivation et d’engagement de celui ou celle qui consulte. Ce dernier point n’est pas à négliger. Se promener d’un thérapeute à l’autre, ou explorer quelques séances ici et là de différentes approches ne favorise pas nécessairement un travail en profondeur.
Les manuels ou les conseils d’un thérapeute qui nous expliquent « comment faire » peuvent nous aider à changer ce que nous faisons ou comment nous le faisons, mais pas ce que nous sommes. Agir sur les comportements peut occasionner des résultats, mais habituellement, ils sont de courte durée. Quant aux approches qui mettent l’accent principalement sur la compréhension intellectuelle, elles ne sont pas curatives parce qu’elles permettent rarement l’accès aux expériences et sentiments douloureux de notre vie.
Il en est de même pour une thérapie uniquement verbale – sans aucun accent mis sur les sensations et les sentiments – elle nous promène trop souvent dans un labyrinthe dont on a du mal à trouver l’issue. Somme toute, c’est comme si plusieurs des approches thérapeutiques sont de nature plutôt palliative. Ce qui expliquerait, en partie, pourquoi certaines personnes affirment n’avoir rien ou presque rien retiré de leur expérience en thérapie. Si on compare l’individu à une plante, et que l’on souhaite obtenir de bons résultats, mieux vaut s’occuper des racines (travailler en profondeur), qu’arroser les feuilles (travailler en surface).
Avant de s’engager dans un processus thérapeutique en profondeur – qui est contraire à une thérapie à tonalité rééducative -, il est primordial de savoir que ce n’est pas une excursion touristique vers les souvenirs de son enfance. Il faut être prêt à faire face à ses vérités cachées. Nous ne pouvons pénétrer dans notre monde intérieur sans y rencontrer les blessures et la souffrance refoulées. Et ce voyage, personne d’autre que soi ne peut le faire.
Lorsque nus commençons une thérapie, nous sommes souvent retranchés à l’intérieur d’une forteresse. Inconsciemment, au fil des années, nous avons appris à ériger une structure d’attitudes, de comportements et de compensations. Petit à petit, tout un système de défense s’est mis en place, laissant peu d’espace à toute spontanéité, souplesse, ouverture et joie de vivre.
La thérapie est un voyage d’autodécouverte et un processus de réconciliation avec soi-même. La thérapie ne peut effacer le passé. Elle va plutôt traiter le passé en fonction de ses effets sur le présent. Elle vise à mettre à jour notre inconscient et à nous permettre de prendre conscience de notre façon d’être en relation avec les autres. L’espace que fournit la thérapie est un lieu où l’on peut briser le silence, désamorcer ses mécanismes de défense et apprivoiser son monde intérieur. Elle nous fournit l’opportunité de s’interroger sur soi – ce qui nous construit -, alors qu’accuser l’autre nous détruit. La thérapie peut également nous aider à passer d’un mode émotionnel plus mature. Autrement dit, être en mesure d’exprimer librement ses besoins, ses sentiments et ses émotions, plutôt que de les réprimer ou de les extérioriser d’une manière tordue ou bien explosive. Un travail thérapeutique en profondeur réussi généralement à faire de nous des individus plus conscients, authentiques et transparents.
Dans un travail en profondeur – qui demande considérablement d’investigation de la part de la personne qui consulte – il ne s’agit pas d’analyser pour trouver des causes explicatives ou des responsables, mais bien de dénouer les éléments qui nous empêchent d’exister selon ce que nous sommes. Accuser son père ou sa mère de ne pas nous avoir aimés autant que nous en sentions le besoin ne mène nulle part. En revanche, on peut explorer en nous ce que cela a fait à notre cœur d’enfant. De même, explorer l’origine de nos difficultés en cherchant à comprendre pourquoi n’est pas suffisant. Mieux vaut sentir comment ces blessures du passé, accompagnées de leurs influences nuisibles, se manifestent, à notre insu, dans notre vie actuelle. Et pour ce faire, il ne s’agit pas de dissoudre quelque chose qui s’est produit durant notre enfance, mais de dissoudre quelque chose qui se reproduit depuis l’enfance.
Pour tout travail thérapeutique en profondeur, un climat de confiance et de sécurité se doit d’être présent. En effet, explorer notre monde souterrain peut nous conduire dans les ténèbres de nos plus lointains souvenirs et nous faire faire l’expérience de l’atroce terreur de la mort. Cette impression que l’on va mourir est ressentie par l’enfant en nous qui, lorsque jeune, a dû refouler sa souffrance parce qu’elle était trop grande par rapport à ses forces d’alors. Ressentir à nouveau cette souffrance lui rappelle qu’elle peut l’envahir totalement; c’est ce qui lui donne l’impression qu’il va mourir ou s’éclater en mille morceaux. Mais l’adulte d’aujourd’hui – qui accompagne en thérapie le petit enfant en lui blessé – accompagné à son tour par un thérapeute en qui il a confiance, peut avoir accès à cette souffrance de jadis. Si le rythme de la personne est respecté, rien n’émergera à la conscience avant que la personne ait les forces pour y faire face. Respecter le rythme de la personne équivaut à travailler en douceur. Mieux vaut séduire les mécanismes de défense que de les défoncer. Ainsi, la personne se sent de plus en plus confiante, sécurisée et prête à lâcher, une à une, ses résistances. De surcroît, à mesure que le travail se poursuit, la personne apprend de plus en plus à se confier et non à commenter sur ce qui l’habite.
Entreprendre un travail en profondeur est habituellement un travail à long terme. L’évacuation de sa souffrance, restée longtemps muette, fait partie du processus, mais cela ne saurait suffire. L’analyse de son vécu, avec son influence dans le quotidien, est également une composante essentielle du processus.
En somme, un travail en profondeur, s’il est bien réussi, produira chez la personne un état de mieux-être avec des répercussions bénéfiques, intégrées et durables dans tous les aspects de sa vie. Cependant, n’oublions pas qu’un état de mieux-être n’est pas un but à atteindre, mais bien un état à bâtir et à habiter un peu plus chaque jour.